Entretien avec M. Boyancé - Doyen de l’ IPC

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Entretien avec M. Boyancé, Doyen de l’Institut de Philosophie Comparée recueilli par un étudiant de l’IPC

La DSE : à quoi ça sert ?
La DSE sert à tout et à rien.
Elle n’est pas un catalogue de recettes techniques pour l’action, elle sert à nourrir l’intelligence, dans sa vision du réel, pour "éclairer" l’action. En ce sens, l’homme a besoin "d’y voir clair", a besoin d’une "lumière" sur la réalité et les principes qui fondent l’existence des choses, notamment en matière morale, sociale et politique. Tout homme agit en fonction de finalités plus ou moins explicites et conscientes. Encore faut-il apprendre à se servir de son intelligence et à aller à l’essentiel au-delà de considérations purement spécialisées et techniques.
Résoudre un conflit dans l’entreprise, par exemple ? Est-ce la finance ou le droit qui répond ? Ne faut-il pas au contraire, en complément, une vision de l’homme et des conditions de son bonheur ?
Ces textes sont-ils périmés ?
La DSE est le fruit d’un travail permanent d’adaptation aux problématiques pratiques et spéculatives d’une époque donnée. Elle n’est pas figée, mais elle rappelle en même temps des vérités qui sont éternelles. Celles-ci doivent entrer dans un dialogue fécond avec les grandes découvertes des sciences expérimentales et humaines.
On caricature souvent l’enseignement de l’Eglise. Il faut savoir que tous ses documents sont le fruit d’une concertation mondiale fondée sur un grand nombre d’experts présents dans toutes les dimensions de la vie sociale et politique.

L’Eglise est-elle compétente pour traiter ce sujet ?
L’Eglise apporte deux éclairages. L’un provient de la Foi catholique dont elle a la responsabilité. Son enseignement est ainsi théologique. L’autre éclairage vient de la philosophie, dont les principes valent pour tout homme, croyant ou non. L’Eglise agit ainsi comme "experte en humanité", selon une expression de Paul VI lors d’un discours à l’ONU en 1967. Aujourd’hui, il faut retrouver cet enracinement philosophique et réaliste pour éviter une approche réservée aux seules données de la Foi.

Cela change-t-il quelque chose dans votre agir social, dans votre travail ?
Tout décideur, tout manager a besoin de principes d’action. Il faut penser son action, il faut penser avant d’agir. Aujourd’hui, dans une culture sur-médiatisée et livrée à des opinions contradictoires en confrontations permanentes, une capacité de discernement pour sa vie personnelle et professionnelle est plus que jamais nécessaire. La DSE donne les fondements d’une vraie culture, d’une vraie réflexion et donc d’une vraie liberté intellectuelle. La difficulté vient souvent du fait que peu de personnes la connaissent et surtout, peu ont la capacité de la transmettre, en la faisant comprendre de manière simple et accessible.

Michel Boyancé, Doyen de l’Institut de Philosophie Comparée (mboyance@ipc-asso.com)